Les biais cognitifs : Ces causes qui guident nos choix


Imaginez-vous assis dans un café, dégustant votre boisson préférée. Un inconnu s’approche et vous propose un pari : si vous devinez correctement le résultat du lancer d’une pièce, vous gagnez 100 euros. Sinon, vous perdez 50 euros. Accepteriez-vous ?

Votre réponse, quelle qu’elle soit, est probablement influencée par des biais cognitifs, ces raccourcis mentaux qui guident subtilement, mais puissamment, notre perception du monde et nos décisions.

Les biais cognitifs, tels des fantômes, hantent nos esprits, colorant nos jugements et orientant nos choix sans même que nous en ayons conscience. Ces mécanismes, ancrés au plus profond de notre cerveau, qui ont assuré notre survie en nous permettant de prendre des décisions rapides face au danger. De nos jours, dans un monde infiniment plus complexe, ils persistent, pour le meilleur et pour le pire.

Le fonctionnement des biais cognitifs : des raccourcis mentaux à double tranchant

Nos cerveaux, malgré leur complexité fascinante, ont leurs limites. Face au déluge d’informations qui nous assaille quotidiennement, ils ont développé des stratégies pour trier, classer, simplifier et interpréter rapidement ces données. C’est là qu’interviennent les biais cognitifs.

Prenons l’exemple du biais de confirmation. Tel un filtre sélectif, il nous pousse à chercher et à retenir prioritairement les informations qui confortent nos croyances préexistantes, tout en minimisant ou ignorant celles qui les contredisent. Ainsi, un amateur de théories du complot aura tendance à s’accrocher au moindre détail étrange, y voyant la confirmation de ses soupçons, tout en balayant d’un revers de main les explications rationnelles. Les algorithmes de Youtube s’en inspirent énormément par exemple.

Le biais d’ancrage, quant à lui, nous pousse à nous fier excessivement à la première information reçue sur un sujet. C’est comme si notre esprit jetait l’ancre dès qu’il aborde un nouveau rivage intellectuel, résistant ensuite à s’en éloigner. Prenons l’exemple d’une négociation salariale, le premier chiffre avancé, qu’il soit réaliste ou non, influencera fortement toute la suite de la discussion.

L’effet de halo, lui, nous pousse à généraliser une qualité positive ou négative d’une personne à l’ensemble de sa personnalité. C’est ainsi qu’un orateur charismatique sera souvent perçu comme plus intelligent ou compétent qu’il ne l’est réellement, simplement parce que son charisme a créé un « halo » positif autour de lui. Nous assistons souvent à cela lors de débats télévisés ou l’individu qui obtient l’adhésion du spectateur est celui qui est le plus audible et manie le plus humour et répartie.

Ces biais, et les nombreux autres qui peuplent notre psyché, ne sont pas intrinsèquement néfastes. Ils nous permettent de naviguer dans un monde complexe sans être paralysés par une analyse exhaustive de chaque situation. Cependant, ils peuvent aussi nous conduire à des erreurs de jugement parfois lourdes de conséquences.

Les biais cognitifs : maîtres d’œuvre invisibles de nos décisions

Nos biais cognitifs ne se contentent pas d’influencer notre perception du monde, ils sont aussi les architectes discrets de bon nombre de nos décisions. Le biais d’aversion à la perte, par exemple, nous fait craindre les pertes potentielles bien plus que nous ne désirons les gains équivalents. C’est lui qui, face au pari du café évoqué en introduction, pourrait nous pousser à refuser, la peur de perdre 50 euros l’emportant sur l’attrait de gagner 100 euros.

Le biais de disponibilité, lui, nous incite à surestimer la probabilité d’événements dont nous pouvons facilement nous rappeler des exemples. Ainsi, après avoir vu un reportage sur un accident d’avion, nous pourrions être tentés de prendre la voiture pour notre prochain voyage, alors même que les statistiques montrent que l’avion est bien plus sûr.

L’effet de cadrage illustre à quel point la façon dont une information est présentée peut influencer notre décision. Prenons l’exemple de l’opération médicale, vous êtes allongée sur un lit d’hôpital, le médecin entre vous explique qu’une opération doit être pratiquée.

Dans le premier cas de figure il vous dit : “Cette opération à 85% de réussite”

Dans le second cas de figure il vous présente la chose ainsi : “ Cette opération a 15% de risque d’échec « Ces deux formulations décrivent la même réalité, mais suscitent des réactions très différentes face à une intervention médicale.

Ces biais, en orientant nos choix, façonnent nos vies bien plus que nous ne voulons l’admettre. Ils influencent nos décisions financières, nos choix de carrière, nos relations personnelles, et même nos opinions politiques. Une expression du déterminisme en somme.

L’exploitation des biais cognitifs : une arme redoutable aux mains des manipulateurs

Si nos biais cognitifs peuvent parfois nous jouer des tours, ils sont aussi une aubaine pour ceux qui cherchent à influencer nos comportements. Marketeurs, politiciens, escrocs et manipulateurs en tous genres ont appris à exploiter ces failles de notre raisonnement avec une efficacité redoutable.

Le marketing, en particulier, a élevé l’exploitation des biais cognitifs au rang d’art. L’effet de rareté, qui nous fait désirer davantage ce qui est peu disponible, est largement utilisé dans les campagnes du type « offre limitée ». Le biais d’autorité, qui nous pousse à accorder plus de crédit aux informations provenant de figures perçues comme expertes, explique l’omniprésence des blouses blanches dans les publicités pour produits de santé.

Les mentalistes et illusionnistes, eux, jouent habilement avec notre tendance à voir des liens de causalité là où il n’y a que coïncidence (biais de corrélation illusoire) pour créer l’illusion de capacités paranormales. Ils exploitent aussi notre propension à nous souvenir des prédictions qui se sont réalisées plutôt que de celles qui ont échoué (biais de confirmation rétrospective) pour nous convaincre de leur don de voyance.

Dans le monde politique, l’exploitation des biais cognitifs est monnaie courante. Le biais de négativité, qui nous rend plus sensibles aux informations négatives qu’aux positives, est souvent utilisé dans les campagnes électorales pour discréditer les adversaires. L’effet de faux consensus, qui nous pousse à surestimer le nombre de personnes partageant nos opinions, est habilement manipulé pour créer un sentiment de mouvement majoritaire.

Les escrocs, quant à eux, sont passés maîtres dans l’art d’exploiter nos biais. L’effet d’engagement, qui nous pousse à rester cohérents avec nos décisions passées, est à la base de nombreuses arnaques où la victime, ayant accepté un petit engagement initial, se retrouve entraînée dans une spirale de décisions de plus en plus coûteuses.

Conclusion

Les biais cognitifs, ces raccourcis mentaux profondément ancrés dans notre psyché, sont à la fois une bénédiction et une malédiction. Ils nous permettent de naviguer dans la complexité du monde sans être paralysés par l’analyse, mais peuvent aussi nous conduire à des erreurs de jugement parfois lourdes de conséquences.

Comprendre l’existence et le fonctionnement de ces biais est la première étape pour s’en prémunir. Cela ne signifie pas que nous puissions nous en débarrasser complètement – ils sont trop profondément enracinés dans notre façon de penser. Cependant, cette conscience peut nous aider à prendre du recul, à remettre en question nos jugements instinctifs et à adopter une approche plus rationnelle face aux décisions importantes.

Un peu comme la révélation d’un tour de magie, une fois connu il perd de son effet magique, c’est alors la dextérité du magicien qui est le fruit de notre admiration.

Face aux tentatives de manipulation exploitant ces biais, la vigilance est de mise. En reconnaissant les techniques utilisées, nous pouvons mieux nous en protéger. Il ne s’agit pas de devenir paranoïaque, mais de développer un sain scepticisme et une pensée critique.

En fin de compte, nos biais cognitifs font partie intégrante de ce qui nous rend humains. Ils témoignent de la fascinante complexité de notre esprit, capable à la fois de prouesses intellectuelles remarquables et de raisonnements parfois étonnamment fallacieux. Les comprendre, c’est mieux se comprendre soi-même et, peut-être, faire un pas de plus vers cette sagesse tant recherchée qui consiste à connaître ses propres limites.

(pour aller plus loin un cours résumé de l’expérience de Forer (du nom du psychologue qui en est l’auteur) également nommé effet Barnum sera publié sur ce site.)


Une réponse à “Les biais cognitifs : Ces causes qui guident nos choix”

  1. Pour pratiquer le discernement il est préférable de se connaitre soi-même.
    C’est rechercher une certaine sagesse.
    Avoir le sens critique.
    La sagesse permet de savoir quoi faire
    Le discernement permet de savoir comment faire.
    LE DISCERNEMENT EST DONC PRIMORDIAL.

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