Suite de l’article précédent, ICI où nous avions laissé Einstein face à une contradiction
Bell Aspect :
Il y eut des tentatives de réponses, mais elles étaient unanimement maladroites et peu claires, jusqu’en 1964. John Bell, physicien irlandais et admirateur des travaux d’Einstein, décida de prendre une année sabbatique afin de se concentrer sur ses recherches. Il voulait prouver que l’interprétation de Copenhague n’était pas complète et donc incorrecte.

Il pensait qu’il devait y avoir une théorie plus complète permettant d’expliquer et de prédire les phénomènes quantiques sans recourir à des concepts contre-intuitifs tels que la non-localité ou la superposition.
Il formula en 1964 un théorème permettant de mettre à l’épreuve l’interprétation de Copenhague. Nommées inégalités de Bell, ce théorème stipule que si les inégalités de Bell sont violées, cela prouverait définitivement que la nature est fondamentalement non-locale, c’est-à-dire que des particules peuvent être instantanément corrélées, peu importe la distance qui les sépare.
Bell voulait prouver que les propriétés des particules existent indépendamment de leur mesure et que les influences physiques ne peuvent se propager plus vite que la vitesse de la lumière.
Si la mécanique quantique est correcte, alors ces inégalités devraient être violées, ce qui signifierait que le réalisme local est faux.
Comme nous l’avons vu en science, il y a d’abord la théorie, puis (le temps que la technologie évolue) l’expérience.
Il faudra en l’occurrence attendre 1982 et un physicien français nommé Alain Aspect pour enfin trancher et savoir qui de Copenhague ou d’Einstein, Podolsky et Rosen avait raison.

Les travaux d’Aspect et les avancées technologiques permettant, par exemple, l’émission de photons intriqués, permirent de déterminer que l’inégalité de Bell fut violée. La nature n’est donc pas locale.
Pour ces travaux sur les inégalités de Bell ainsi que ses travaux sur l’intrication quantique, Alain Aspect reçut le prix Nobel de physique en 2022.
Ainsi, la nature est fondamentalement changeante et non déterminée.
Mais au-delà des questions philosophiques qui en découle, qu’elles peuvent être les usages de ces découvertes ?
En voilà quelques un :
1. Technologies de l’information quantique
Ordinateurs quantiques : Les ordinateurs quantiques utilisent des qubits (bits quantiques) qui peuvent être dans plusieurs états à la fois grâce à la superposition. Cela permet de résoudre des problèmes complexes beaucoup plus rapidement que les ordinateurs classiques. Des entreprises comme IBM, Google et Microsoft investissent massivement dans cette technologie.
Cryptographie quantique : La cryptographie quantique utilise les principes de la mécanique quantique pour sécuriser les communications. Par exemple, le protocole de distribution de clés quantiques (QKD) permet de détecter toute tentative d’interception grâce à l’intrication quantique.

2. Communications sécurisées
Réseaux quantiques : Les réseaux quantiques utilisent des photons intriqués pour transmettre des informations de manière ultra-sécurisée. Ces réseaux pourraient révolutionner les communications militaires, financières et gouvernementales.
Internet quantique : À long terme, un internet quantique pourrait permettre des communications instantanées et sécurisées à l’échelle mondiale.
3. Internet et fibre optique
Fibre optique : La fibre optique utilise des principes de la physique quantique pour transmettre des données sous forme de lumière. Les lasers et les amplificateurs optiques, qui reposent sur des phénomènes quantiques, permettent de transmettre des informations sur de longues distances avec une très faible perte de signal.
Internet haut débit : La fibre optique est essentielle pour les réseaux Internet haut débit, permettant des téléchargements rapides, le streaming vidéo en haute définition et les communications en temps réel.
4. Métrologie et capteurs
Horloges atomiques : Les horloges atomiques, qui utilisent des transitions quantiques pour mesurer le temps avec une précision extrême, sont essentielles pour les systèmes de navigation comme le GPS.
Capteurs quantiques : Les capteurs quantiques peuvent mesurer des champs magnétiques, des accélérations et des rotations avec une précision bien supérieure à celle des capteurs classiques. Ils sont utilisés dans des domaines comme la géophysique, la médecine et la défense.
5. Imagerie médicale
IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) : Les principes quantiques sont utilisés dans les IRM pour obtenir des images détaillées de l’intérieur du corps humain.
Tomographie par émission de positons (TEP) : Cette technique utilise des isotopes radioactifs pour produire des images tridimensionnelles des processus biologiques dans le corps.
6. Matériaux avancés
Semi-conducteurs : Les semi-conducteurs, qui sont à la base de tous les dispositifs électroniques modernes, fonctionnent selon les principes de la mécanique quantique. Les avancées dans ce domaine permettent de créer des composants plus petits, plus rapides et plus efficaces.
Nouveaux matériaux : La compréhension des propriétés quantiques des matériaux permet de développer de nouveaux matériaux aux propriétés uniques, comme les supraconducteurs à haute température.
7. Énergie
Piles à combustible : Les piles à combustible utilisent des réactions chimiques quantiques pour produire de l’électricité de manière propre et efficace.
Photovoltaïque : Les cellules solaires utilisent l’effet photoélectrique, découvert par Einstein, pour convertir la lumière en électricité.
8. Applications futures
Téléportation quantique : Bien que la téléportation de matière soit encore de la science-fiction, la téléportation quantique d’informations est déjà une réalité. Elle pourrait être utilisée pour transférer des états quantiques entre qubits dans des ordinateurs quantiques.
Simulation quantique : Les ordinateurs quantiques pourraient simuler des systèmes complexes, comme les réactions chimiques ou les interactions entre particules, avec une précision impossible à atteindre avec des ordinateurs classiques.
…

L’épopée du formalisme quantique est l’expression même de la science. Ne pas se fier uniquement à notre instinct, il faut des faits, des calculs, des expériences et des débats pour atteindre rationnellement un consensus. Le fameux consensus scientifique prend souvent du temps, parfois beaucoup mais c’est le temps de la recherche, guidé par la raison et non par des biais ou de l’émotion.
Comme le souligne Étienne Klein, la physique, c’est accepter des énoncés que notre cerveau rejette spontanément. En effet, notre esprit n’est pas naturellement configuré pour appréhender la vérité scientifique, mais plutôt pour nous aider à nous adapter à notre environnement. Cette réalité est parfaitement illustrée par l’exemple de Galilée, qui a démontré que tous les objets tombent à la même vitesse dans le vide, une affirmation qui va à l’encontre de notre intuition.
Cette leçon nous rappelle l’importance de remettre en question nos perceptions et de nous appuyer sur des preuves empiriques pour comprendre le monde qui nous entoure. En embrassant cette démarche, nous pouvons non seulement enrichir notre compréhension de la physique, mais aussi développer une approche plus critique et éclairée de la réalité.
Alors, la prochaine fois que vous vous trouvez face à une idée scientifique qui défie votre intuition, souvenez-vous de Galilée et laissez la curiosité et la rigueur scientifique guider votre exploration.