Comme vous devez le savoir si vous parcourez ce site depuis un moment, j’aime la vérité et beaucoup moins les « fake news ». Dans un monde où certains réseaux sociaux et sites internet sont détenus par des individus qui ont une vision très personnelle de la liberté d’expression (Elon Musk par exemple), cela pose un sérieux problème. Avoir une opinion est une chose, mais la seule chose qui fait foi, c’est la science. Spinoza disait : « Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre. » Tout est dit. 🙂
Cet article n’est pas fait pour blesser ou se moquer, mais pour en finir avec une pratique qui devient dangereuse. Je ne citerai que le cas médiatisé de Miguel Barthéléry, naturopathe condamné, mais je pourrais en citer d’autres…
Cet article vient en complément de l’effet Placebo(ICI)…

Dans un monde où 44% des Français auraient déjà eu recours à la naturopathie selon un sondage de 2023, il devient urgent de démêler le vrai du faux derrière cette pratique qui se pare des vertus du « naturel » pour mieux masquer son manque de fondements scientifiques. Car si l’appel de la nature résonne agréablement à nos oreilles, la réalité de la naturopathie révèle une tout autre histoire : celle d’une pseudo-science aux promesses séduisantes mais aux preuves inexistantes.
Qu’est-ce que la naturopathie ?
La naturopathie se présente comme une « médecine traditionnelle » basée sur l’idée que le corps possède une « force vitale » capable de s’auto-guérir. Ses praticiens prétendent traiter la « cause » des maladies plutôt que les symptômes, en utilisant des moyens dits « naturels » : plantes, jeûnes, cures détox, suppléments alimentaires, iridologie (diagnostic par l’iris), ou encore réflexologie.
Cette approche hollistique séduit par sa promesse d’une médecine douce, respectueuse de l’individu et de ses « terrains ». Mais derrière ces concepts attrayants se cache une réalité bien différente.
Le problème de la « force vitale »

Au cœur de la naturopathie réside un concept fondamental : la « force vitale » ou « énergie vitale ». Cette notion, héritée du vitalisme du 18ème siècle(nous y reviendrons) , suppose l’existence d’une énergie immatérielle qui animerait les êtres vivants et dont le déséquilibre causerait les maladies.
Or, cette conception est considérée par la biologie moderne comme une croyance irrationnelle. Aucune étude scientifique n’a jamais pu détecter, mesurer ou quantifier cette mystérieuse « force vitale ». La biologie contemporaine explique le fonctionnement du vivant par des mécanismes moléculaires, cellulaires et physiologiques parfaitement identifiés, sans avoir besoin de recourir à une énergie surnaturelle.
Baser toute une approche thérapeutique sur un concept scientifiquement invalide revient à construire un château sur du sable.
L’illusion de l’évaluation scientifique
Face aux critiques, certains naturopathes affirment que leur pratique ne peut être évaluée par la méthode scientifique, car celle-ci serait incapable de saisir « l’essence » de leurs approches holistiques. Cette argumentation révèle une incompréhension fondamentale : évaluer l’efficacité de la naturopathie ne nécessite pas de prouver l’existence de la force vitale, mais simplement de démontrer que les patients traités vont objectivement mieux que ceux qui ne le sont pas.
C’est exactement ce que font les essais cliniques randomisés contrôlés, lors de l’évaluation thérapeutique. Ces études comparent l’évolution de patients recevant le traitement testé à celle de patients recevant un placebo ou un traitement de référence, en aveugle et sur de larges échantillons.
Or, lorsque les pratiques naturopathiques ont été soumises à ce type d’évaluation rigoureuse, les résultats sont sans appel : aucune efficacité supérieure au placebo n’a pu être démontrée pour la plupart des techniques revendiquées.
Le mirage de la détoxification
L’un des piliers de la naturopathie moderne est la « détox » : jeûnes, monodiètes, cures de jus, lavements… Ces pratiques promettent d’éliminer les « toxines » accumulées dans l’organisme. Problème : cette conception de la détoxification n’a aucun fondement scientifique.
Le corps humain possède déjà ses propres systèmes de détoxification, parfaitement efficaces : le foie, les reins, les poumons et les intestins travaillent en permanence pour éliminer les déchets métaboliques et les substances indésirables. Aucune « cure détox » n’a jamais démontré sa capacité à améliorer le fonctionnement de ces organes chez des personnes en bonne santé.
Pire, certaines pratiques détox peuvent s’avérer dangereuses : les lavements répétés perturbent la flore intestinale, les jeûnes prolongés peuvent provoquer des carences nutritionnelles, et les cures drastiques risquent de déstabiliser l’équilibre métabolique.
Les dangers d’une approche non régulée
En France, le titre de « naturopathe » n’est pas protégé : n’importe qui peut s’autoproclamer praticien sans formation médicale ni contrôle de ses compétences. Cette absence de régulation ouvre la porte à tous les abus.
La Miviludes (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) identifie régulièrement des dérives dans le domaine des médecines alternatives, incluant la naturopathie. Ces dérives peuvent prendre plusieurs formes :
- Dérive anti-médicale : certains naturopathes découragent leurs patients de suivre leurs traitements médicaux conventionnels ou de consulter des médecins
- Culpabilisation du patient : le malade est rendu responsable de sa maladie par ses « mauvaises habitudes » ou son « mauvais terrain »
- Promesses thérapeutiques abusives : guérison de cancers, diabète, maladies auto-immunes par des moyens « naturels »
- Exploitation financière : vente de compléments alimentaires coûteux, séances multiples facturées sans justification médicale
L’effet placebo : la vraie explication des « succès »
Si la naturopathie ne repose sur aucune base scientifique solide, comment expliquer les témoignages de patients affirmant avoir été « guéris » ? La réponse réside dans l’effet placebo, ce phénomène bien documenté par lequel les attentes du patient peuvent produire une amélioration subjective de ses symptômes.
L’effet placebo est particulièrement puissant dans certaines conditions comme nous avons pu le voir dans un article précédent :
- Quand le patient croit fermement à l’efficacité du traitement
- Dans un contexte médical rassurant avec un praticien bienveillant
- Pour des symptômes subjectifs comme la douleur, l’anxiété ou la fatigue
- Quand le patient investit du temps et de l’argent dans sa démarche
La consultation naturopathique, souvent longue et personnalisée, crée un cadre idéal pour déclencher cet effet placebo. Le patient se sent écouté, pris en charge de manière globale, et reçoit des conseils qui lui donnent l’impression de reprendre le contrôle sur sa santé.
Mais l’effet placebo a ses limites : il ne traite pas les causes sous-jacentes des maladies, ses effets sont temporaires, et il est inefficace face aux pathologies graves nécessitant une prise en charge médicale urgente.
Le piège du « naturel »
L’argument du « naturel » constitue l’un des piliers marketing de la naturopathie. Pourtant, cette notion mérite d’être questionnée :
D’abord, « naturel » ne signifie pas « sans danger ». De nombreuses substances naturelles sont toxiques : la ciguë, l’amanite phalloïde, le curare… À l’inverse, de nombreux médicaments synthétiques sont parfaitement sûrs quand ils sont utilisés correctement.
Ensuite, la frontière entre « naturel » et « artificiel » est souvent floue. De nombreux compléments alimentaires vendus par les naturopathes sont produits industriellement ; leurs principes actifs sont parfois identiques à ceux des médicaments conventionnels, voire de moins bonne qualité, car ils sont nettement moins contrôlés.
Enfin, l’efficacité d’une substance ne dépend pas de son origine naturelle ou synthétique, mais de sa capacité démontrée à produire l’effet thérapeutique recherché.
L’importance de la pensée critique (Cogito)
Face à l’engouement pour les médecines alternatives, il devient crucial de développer notre esprit critique. Quelques questions simples peuvent nous aider :
- Le praticien possède-t-il une formation médicale reconnue ?
- Les affirmations sont-elles soutenues par des études scientifiques publiées dans des revues à comité de lecture ?
- Le traitement proposé a-t-il fait l’objet d’essais cliniques rigoureux ?
- Le praticien reconnaît-il les limites de son approche et oriente-t-il vers un médecin si nécessaire ?
- Les promesses thérapeutiques semblent-elles réalistes ou trop belles pour être vraies ?
Conclusion
La naturopathie illustre parfaitement comment une pratique peut séduire par ses promesses et son marketing « naturel » tout en étant dépourvue de fondements scientifiques solides. Loin d’être une médecine alternative viable, elle constitue plutôt une pseudo-science qui exploite nos biais cognitifs et notre méfiance légitime envers la surmédicalisation.
Cela ne signifie pas que tout est à rejeter dans l’approche naturopathique : certains conseils d’hygiène de vie (alimentation équilibrée, activité physique, gestion du stress) sont tout à fait pertinents. Mais ces recommandations relèvent du bon sens et de la médecine préventive classique, pas d’une prétendue science alternative.
Dans un monde où l’information médicale circule librement sur internet, il devient essentiel de distinguer les pratiques fondées sur des preuves de celles qui ne reposent que sur des croyances. Notre santé mérite mieux que des illusions, même séduisantes elle mérite la vérité…
Sources
- Cluster 17 pour Le Point – Sondage sur le recours à la naturopathie en France (2023)
- MIVILUDES – « Les dérives sectaires dans le domaine de la santé » – Rapport 2020-2022
- Ernst, E. – « A systematic review of systematic reviews of complementary and alternative medicine » – British Journal of Clinical Pharmacology (2019)
- Shang, A. et al. – « Are the clinical effects of homoeopathy placebo effects? Comparative study of placebo-controlled trials of homoeopathy and allopathy » – BMJ (2005)