Démystifier les Liens entre Vaccins, Paracétamol et Autisme : Quand Trump Relance les Vieilles Peurs (et les Vieux Mensonges)



Parce que rien ne rassure mieux qu’un bon vieux retour aux années 2000… surtout quand c’est au détriment de la science.

Comme je l’ai indiqué dès mon premier article, je ne fais pas de politique. Je suis un rationaliste, mon parti est celui de la raison, de la preuve et du consensus scientifique. La politique comme la religion n’est de mon point de vue que vulgarisation philosophique. Mais je ne pouvais objectivement rester silencieux face à cette actualité. Car parfois ceux qui savent et se taisent sont plus coupables que ceux qui ignorent et qui parlent, je décide de m’exprimer sur un sujet sensible pour certains. Je ne souhaite dénigrer personne avec cet article, se poser des questions est légitime et une marque d’intelligence, mais nier les faits et se laisser guider par des biais cognitifs, est moins justifiable, alors pour tous ceux qui se questionnent réellement, voici des faits (vérifiables ceux-là).

Il était une fois un président qui, en pleine campagne électorale 2025, a décidé de s’ériger en expert médical, sans diplôme, sans formation scientifique, mais surtout sans preuve, mais avec une confiance absolue en son instinct ; un mélange stupidement dangereux.

Le 23 septembre 2025, Donald Trump, lors d’un meeting à Pittsburgh, a déclaré avec la solennité d’un oracle : « Ne prenez pas de Tylenol pendant la grossesse. Ça cause l’autisme » . Et comme si cela ne suffisait pas, il a remis sur le tapis son leitmotiv favori : « Les vaccins, c’est pareil. Ils déclenchent l’autisme » .

Bienvenue dans l’ère post-vérité, où les données épidémiologiques cèdent le pas aux intuitions présidentielles, et où la santé publique devient un accessoire de campagne utilisant la peur comme rhétorique manipulatoire.

Trump et Kennedy Jr. = le grand retour du complot vaccinal

Derrière ces déclarations, on ne retrouve pas un hasard, mais une stratégie, ou du moins une influence très claire. Depuis janvier 2025, Robert F. Kennedy Jr., figure de proue de la mouvance anti-vaccin, siège comme secrétaire à la Santé des États-Unis . Malgré ses dénégations (« Je ne suis pas anti-vaccin, je suis pro-sécurité ! » ), son passé est truffé de théories complotistes, allant jusqu’à affirmer que les vaccins contiennent des « toxines » et que Big Pharma « cache la vérité » .

Il n’est donc guère surprenant que Trump, sous son influence, relance des accusations depuis longtemps discréditées. À l’occasion d’un événement officiel sur l’autisme à la Maison Blanche, il a même « exhorté à modifier radicalement le calendrier vaccinal des enfants », sans fournir la moindre base scientifique . Une performance digne d’un médecin… si ce n’était pas celle d’un homme dont la seule expérience médicale semble être d’avoir regardé House en boucle.

Le paracétamol, nouveau bouc émissaire de la parentalité angoissée

Mais ce n’est pas tout. Le paracétamol, ce petit comprimé blanc, (présent dans 90 % des armoires à pharmacie) est désormais accusé d’être le poison silencieux des fœtus. Trump affirme qu’il existe « des preuves accablantes » d’un lien avec l’autisme . Sauf que… non.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a réagi sans tarder : « Il n’existe aucune preuve scientifique solide établissant un lien causal entre l’usage de paracétamol pendant la grossesse et l’autisme » . Même la FDA, pourtant citée à tort par les conspirationnistes, précise que les études disponibles ne permettent pas de conclure à une causalité, seulement à des associations statistiques faibles, souvent biaisées .

En d’autres termes : si vous avez pris du Doliprane enceinte, respirez. Vous n’avez pas « causé » l’autisme de votre enfant. L’autisme est un trouble neurodéveloppemental complexe, avec des racines génétiques, épigénétiques et environnementales et donc en aucun cas un effet secondaire d’un antipyrétique.

Pourquoi croit-on aux mensonges médicaux ? La psychologie de la défiance

Mais au-delà des faits, il faut comprendre pourquoi ces mythes persistent et pourquoi ils trouvent un écho si puissant, même chez des personnes rationnelles.

La psychologie cognitive nous apprend que l’être humain préfère une explication simple à une réalité complexe. L’autisme, mal compris, souvent diagnostiqué vers l’âge de 2 à 3 ans (juste après les vaccins obligatoires, donc) devient une cible idéale pour la pensée causale naïve : « Il allait bien, puis il a été vacciné, puis il a changé. Donc… » C’est ce qu’on appelle le biais post hoc (post hoc, ergo propter hoc) : confondre la succession avec la causalité .(vous trouverez un article sur les biais cognitifs ICI)

De plus, dans un monde où les institutions (gouvernements, laboratoires, médias) ont perdu une partie de leur crédibilité (notamment après des scandales réels comme celui du Mediator ou du Vioxx) la méfiance devient un réflexe de protection. Comme l’écrit le sociologue Bruno Latour, « la défiance n’est pas irrationnelle en soi ; elle devient dangereuse quand elle se tourne contre la science elle-même, au lieu de viser les abus de pouvoir » .

Et c’est là que le bât blesse : la science n’est pas une croyance, c’est un processus. Elle corrige ses erreurs, publie ses méthodes, invite à la réplication. Mais dans l’imaginaire collectif, elle est souvent perçue comme une entité monolithique, opaque, au service d’intérêts obscurs. Rien de plus faux, mais rien de plus efficace pour alimenter les théories du complot. Les questions d’immunologie ou de science en général demandent un bagage, des connaissances pour comprendre ces sujets sans les vulgariser. Et chacun n’est pas capable de cela (sans jugement de classe).

L’effet Trump : quand la politique instrumentalise la peur parentale

Trump ne parle pas à la raison. Il parle à l’angoisse. Celle des parents qui veulent le meilleur pour leurs enfants, qui se sentent impuissants face à un diagnostic d’autisme, et qui cherchent désespérément un coupable identifiable. Et quoi de plus rassurant que de pouvoir pointer du doigt un comprimé ou une piqûre ?

Mais cette instrumentalisation a un coût. En 2024, les États-Unis ont connu leur plus forte épidémie de rougeole depuis 1992, avec plus de 1 200 cas dans 30 États, tous dans des communautés à faible couverture vaccinale . En France, les hésitations vaccinales ont conduit à des flambées de coqueluche et de rougeole, maladies pourtant évitables . Voilà des faits…

La science, elle, continue son travail. Depuis 1998, plus de 250 études ont examiné le lien vaccins-autisme. Résultat ?… Aucune corrélation causale n’a jamais été trouvée .

Quant au paracétamol, les méta-analyses les plus récentes concluent que les bénéfices de son usage (soulager la fièvre, éviter les complications) l’emportent largement sur des risques hypothétiques non prouvés . Cela ne signifie en rien que au moindre petit mal de tête il faut avoir recours à une médication…

Refuser le paracétamol enceinte, c’est parfois exposer le fœtus à une fièvre prolongée, qui, elle, est un facteur de risque documenté pour les troubles du neurodéveloppement. Ironie cruelle : en voulant « protéger », on risque de nuire davantage.

Conclusion : la santé n’est pas un terrain de campagne

Quand un président, utilise la peur parentale pour marquer des points politiques, il ne fait pas de la pédagogie. Il fait de la désinformation. Et cette désinformation a des conséquences bien réelles : baisse de la couverture vaccinale, épidémies évitables, anxiété injustifiée chez les futures mères.

La science n’est pas parfaite. Mais elle est autoréflexive, autocorrectrice, et fondée sur des preuves (pas sur des tweets, des meetings ou des intuitions de milliardaires.)

Alors la prochaine fois qu’on vous dit que « Trump a raison sur le Tylenol », demandez : « Ah bon ? Et l’OMS, les CDC, l’Académie de médecine, ils se sont tous trompés en même temps ? »

Non. Ce n’est pas la science qui ment. C’est la politique qui instrumentalise la peur.

Sources

-Fondation pour la science sur l’autisme. Déclaration concernant l’annonce de la Maison Blanche sur l’autisme, 2025.

-BBC News. Trump relie l’autisme au Tylenol et relance ses inquiétudes sur les vaccins, septembre 2025.

-Organisation mondiale de la santé (OMS). Réponse officielle aux allégations liant le paracétamol à l’autisme, septembre 2025.

-Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux (FDA). Analyse de l’usage du paracétamol pendant la grossesse et des effets sur le neurodéveloppement, 2024.

-Communiqué de campagne de Trump. FAIT : Des preuves suggèrent un lien entre le paracétamol et l’autisme, septembre 2025.

-STAT News. Trump remet en cause la sécurité des vaccins et appelle à modifier leur calendrier, septembre 2025.

-The Guardian. Les propos anti-vaccins de Trump renforcent l’influence de Kennedy, septembre 2025.

-STAT News. RFK Jr. affirme ne pas être anti-vaccin. Il a tort, novembre 2024.

-Associated Press (AP). Les positions de RFK Jr. sur les vaccins critiquées lors d’une audition houleuse, janvier 2025.

-Nature Medicine. Comment RFK Jr. sape systématiquement la confiance dans les vaccins à travers le monde, août 2025.

-Kahneman, D. Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée. Éditions Flammarion, 2011. (Sur les biais cognitifs)

-Latour, B. Où atterrir ? Comment s’orienter en politique. Éditions La Découverte, 2017.

-Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Cas et épidémies de rougeole aux États-Unis, 2024.

-Santé Publique France. Couverture vaccinale et résurgence des maladies infectieuses, 2024.

Parce que la vérité, contrairement aux campagnes électorales, ne se réécrit pas à la demande.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *