L’Interprétation de Copenhague : Quand la Physique Rencontre la Philosophie (partie I)


Bohr-Einstein photo de  Paul Ehrenfest 1925

Le début du 20ème siècle fut une époque de révolution bouillonnante pour la science, spécifiquement pour la physique. Les piliers sur lesquels on pouvait jusqu’alors s’appuyer pour expliquer et formaliser (de façon mathématique et conceptuelle) notre compréhension du monde semblaient s’écrouler.

Jusqu’alors, on pouvait prédire de façon certaine, c’est-à-dire que les calculs pouvaient, si l’on avait connaissance par exemple de la position et de la vitesse d’un objet, déterminer où il serait à l’instant T+1, T+2, etc.

Cela était et reste valable dans un monde macroscopique, c’est-à-dire le monde qui nous est familier, celui qui contient ce que l’on peut voir et toucher (une balle, une voiture, un chat).

Si un homme lance une balle, et si l’on connaît le poids de la balle, la quantité d’énergie générée par la force de l’homme qui lance la balle, la force qui s’y oppose dans l’air, etc., alors on est en capacité de déterminer où va aller la balle.

Mais le 20ème siècle a été celui où l’on a découvert un autre monde : le monde microscopique.

Au début, naturellement, l’homme tenta d’appliquer à ce monde la même grille de compréhension physique qu’il avait du monde macroscopique. Mais l’observation de ce monde microscopique était en inadéquation avec les modèles de prédiction mathématique utilisés jusque-là.

Max Planck et le corps noir :

Max Planck dut se confronter à la résolution d’un problème : lors du réchauffement d’un corps noir, l’énergie émise ne correspondait pas aux résultats mathématiques. Si ces résultats avaient été constatés, ils auraient entraîné ce que l’on nommait à l’époque la « catastrophe ultraviolette », à savoir une énergie illimitée. (Nous avons consacré un article à ce sujet ICI )

Planck, las de ne pouvoir appliquer le modèle qui, pourtant, lui semblait correct, essaya, par dépit, de se dire que l’énergie, au lieu d’être continue, pouvait évoluer en fonction de la température par paliers (comme un escalier).

Reprenons l’image de l’homme qui lance une balle. Dans le monde macroscopique, nous avons besoin des informations indiquées plus haut et nous pouvons ainsi prévoir de façon certaine où va tomber la balle. Dans le monde microscopique, là où la courbe de la balle serait continue et aurait une trajectoire linéaire, dans le monde quantique, cette courbe serait plus cubique dans sa structure, c’est-à-dire qu’elle aurait l’image d’un escalier.

Cela vous semble anodin ? C’est pourtant l’application de cette découverte qui valut à un physicien reconnu son seul prix Nobel pour l’effet photoélectrique : Albert Einstein.

Ce nom est indissociable de la physique quantique. Pour beaucoup, Einstein est l’incarnation de la physique quantique. Mais comme nous allons le voir, cela est vrai jusqu’à un certain point.

Ce point est l’interprétation de Copenhague.

Comme souvent en science, les scientifiques qui font des découvertes n’ont pas une compréhension totale des implications qui en découlent.

Lorsqu’il a fallu prédire des résultats expérimentaux dans le domaine de la physique microscopique, un nouveau modèle fut proposé par Niels Bohr et Werner Heisenberg. Ce modèle était probabiliste et non déterministe. Il n’était pas 1 ou 0, mais probablement plus 1 que 0 ou inversement. En somme, ce que l’on pourrait nommer le hasard. Mais cela semblait être le modèle le plus juste.

Mais pour Einstein, le hasard n’a pas sa place en physique. « Dieu ne joue pas aux dés… » Pour Einstein, un modèle digne de ce nom doit donner un résultat déterminé par des facteurs, à l’image de la balle lancée par notre homme.

Et donc, si l’on ne peut donner qu’une probabilité, c’est qu’il nous manque simplement des informations, des facteurs cachés.

En réponse à ce modèle, qu’il considérait donc comme inachevé, il choisit de formaliser avec Podolsky et Rosen, deux autres scientifiques, cette idée.

En quelques pages d’une éloquence d’une grande intelligence, ils firent part de leurs analyses et de leurs incompatibilités philosophiques avec cette façon de voir les choses. En 1935, l’article EPR était né.

Une chose ne peut en être une autre ; elle ne peut pas être probablement ici ou là, elle ne peut pas être 1 et 0 à la fois. Cela est impossible car nous n’en faisons pas le constat dans le monde qui nous entoure. Un chat, par exemple, ne peut être à la fois mort et vivant. Alors pourquoi cela serait-il différent dans ce monde quantique ?

Cet article fut d’une telle évidence instinctive. En effet, c’est impossible, en tous cas vu ainsi…

Mais surtout, pour Einstein, rien ne voyage plus vite que la vitesse de la lumière. Or, l’une des règles qui découle de ce monde quantique est l’intrication.

Prenons l’exemple de deux photons émis par un atome en même temps. Ces photons sont naturellement intriqués (connectés). Ils demeurent, comme nous l’avons vu, dans un état superposé (à la fois onde et particule). Mais lorsque l’on tente de mesurer l’un de ces photons, on le contraint à devenir onde ou particule, et plus les deux à la fois.

En réalisant cette mesure et en changeant ainsi l’état du photon, le photon mesuré aura, par exemple, une polarisation +. Il enverra alors de façon instantanée au second photon qu’il a été contraint par la mesure à avoir une polarité positive, et donc le second aura une polarité -.

C’est un point souvent incompris. Avant la mesure, le photon est à la fois + et -, mais une fois mesuré, il n’a plus cet état superposé. Peu importe la distance qui sépare ces deux photons, ils arrivent à communiquer. Un peu comme s’il ne faisait qu’un, ou comme si la quantité d’énergie dans l’univers était finie, symétrique, pour conserver une harmonie lors de la création d’un couple de photons : l’un sera positif et l’autre négatif.

Voilà ce qui déconcertait Einstein : la non-localité et, surtout, une chose voyageant plus vite que la vitesse de la lumière. C’est bien le fait de réaliser la mesure qui change instantanément le photon.

Rappelons que la relativité restreinte stipule que rien ne va plus vite que la vitesse de la lumière.

La réponse mit du temps à venir. Répondre à Einstein qu’il se trompe demande un minimum d’arguments implacables, sinon son génie aurait tôt fait de balayer cela.

Cela conclut notre premier article sur l’interprétation de Copenhague et l’article EPR. Nous avons exploré les bases de ces concepts fondamentaux de la mécanique quantique et leurs implications philosophiques et scientifiques. La suite de cette série arrive bientôt, où nous approfondirons les débats et les découvertes qui ont façonné notre compréhension du monde quantique. Restez connectés pour découvrir la suite de cette fascinante aventure scientifique…


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